De quoi vérifier, une fois de plus, l’expression sacralisée tenue par les députés abstentionnistes du « premier parti de France ». Mais c’est loin d’être un bloc uniforme. Ces électeurs n’ont pas tous les mêmes raisons de ne pas voter. Franceinfo répond à trois questions posées par l’ampleur de ce phénomène.
Analyses, projections στε Suivez dans notre direct les réactions pour le premier tour des élections législatives
1 Quel est le profil des absents ?
Plus un électeur est jeune, plus le risque de ne pas voter est grand. Une majorité d’électeurs de moins de 60 ans se sont abstenus dimanche, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria réalisé par Radio France, France Télévisions, France 24, RFI et LCP. L’abstinence était particulièrement élevée chez les 18-24 ans (69 %) et les 25-34 ans (71 %). Il reste supérieur à la moyenne entre les 35-49 ans (59%), tandis que les 50-59 ans sont 52% à éviter les urnes. Pour Vincent Tiberj, chercheur en sociologie électorale à Sciences Po Bordeaux, cette participation était à prévoir : “La jeune génération est un peu lasse des élections et de la démocratie”, a déclaré à franceinfo Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche honoraire au CNRS. . Une déclaration qui ne signifie pas “que la société, et notamment les jeunes, se dépolitisent”, a déclaré Vincent Timber dans un entretien à franceinfo. “Ils ne sont tout simplement plus un obstacle à la gouvernance.” Le sociologue Olivier Galland note la préférence des jeunes pour des “formes de protestation”, comme les manifestations ou “l’affichage d’opinions sur les réseaux sociaux”. La fréquentation varie également en fonction de l’origine sociale des électeurs. Or, selon le sondage Ipsos-Sopra Steria, la majorité des électeurs issus des classes moyennes inférieures, des populistes ou des catégories défavorisées se sont abstenus. Les Français qui gagnent moins de 1.250 euros nets par mois sont ceux qui ont le moins voté (61% d’abstention). Cette combinaison d’âge et d’origine sociale tend à favoriser la droite et Ensemble !, la coalition de la majorité présidentielle, estime Vincent Tiberj. “Emanuel Macron a désormais une structure électorale similaire à celle des Républicains, a-t-il dit au niveau des Noupes”.
2 Comment expliquer ce rejet du vote ?
La participation massive de dimanche s’inscrit dans “une évolution qui influence la majorité des enquêtes d’opinion depuis les années 1980”, a déclaré à franceinfo Christèle Lagier, maître de conférences en sciences politiques à l’université d’Avignon et spécialiste du sujet. De plus en plus d’électeurs prennent leur tour, mais pas forcément à toutes les élections, ajoute Vincent Tiberj : “Le vote intermittent se développe de plus en plus.” “On est de moins en moins sûrs que le monde va bouger. Et les abstentionnistes ne sont pas les mêmes à chaque fois.” Vincent Tiberj, chercheur à Science Po Bordeaux chez franceinfo Cette tendance peut s’expliquer par de nombreux facteurs. D’abord, “la méfiance grandissante envers les représentants politiques et une offre qui ne satisfait plus les électeurs qui se sentent coupés de leurs élus”, a déclaré Christèle Lagier. Olivier Galland pointe une “fatigue démocratique” chez les jeunes. Il note “le discrédit moral du personnel politique”. Un constat lié à sa recherche avec Marc Lazar, Une jeunesse plurielle, publiée en février 2022, dans laquelle 69% des 18-24 ans étaient interrogés “pensent-ils que les politiques sont corrompus”. Autre explication : l’inversion du calendrier électoral depuis 1997. L’élection des députés suit toujours celle du président de quelques semaines, ce qui a contribué à l’indifférence des électeurs aux élections législatives, surtout lorsque leur candidat préféré a échoué. l’Elysée. “Lorsque les élections parlementaires sont utilisées pour déterminer qui gouvernera réellement, comme en 1986, 1993 ou 1997 [trois élections qui ont conduit à une cohabitation]”On voit que le taux d’abstention est considérablement réduit”, a déclaré Vincent Timbery. Dans le contexte politique de 2022, cette forte abstention s’explique aussi par “l’absence de discussions entre la présidentielle et les législatives”, explique le chercheur bordelais. “Il y a eu une stratégie de la part d’Emanuel Macron pour lancer une ‘campagne chloroforme’, comme le décrit L’Obs (un lien destiné aux abonnés), pour éviter la mobilisation et la division de l’électorat et réduire l’adversité dans le camp d’Ensemble !. C’est peut-être intelligent sur le plan électoral, mais de nombreux électeurs n’ont pas bougé et c’est problématique.
3 Une augmentation de l’abstention est-elle inévitable ?
L’ouvrage d’Olivier Galland fait le constat inquiétant d’une « baisse de l’attachement des jeunes à la démocratie ». Pour le sociologue, une des explications de leur abstention pourrait être la sous-représentation des jeunes dans le personnel politique. “Il faut plus de renouvellement”, a-t-il déclaré. Mais au-delà de cette question, il note que les jeunes regrettent “une certaine incapacité du politique à changer les choses, notamment pour l’urgence climatique”. Le retour des abstentions dans les urnes pourrait aller “avec l’instauration de la représentation proportionnelle, ainsi que le recours fréquent au référendum”, suggère Vincent Timbery. Mais Christèle Lagier pense qu’une “réforme technique (…) ne suffira pas” : “Elle inclut l’éducation à la politique. Nos dirigeants créent des écoles comme Sciences Po, Polytechnique… Il faut éduquer nos concitoyens et donner est le moyen de façonner une culture politique. » Le chercheur ajoute d’autres suggestions : « renouveler l’ordre politique » et « limiter l’accumulation des mandats dans le temps ». Ces pièces suivront-elles la tension ? Rien n’est moins sûr. Durant sa campagne présidentielle, Emanuel Macron a proposé la formation d’un “comité interpartis” chargé de la “rénovation des institutions” et s’est dit favorable à l’instauration d’une “véritable” représentation proportionnelle des législatives. Mais il avait déjà promis “une dose de proportionnalité” en 2017, avant de quitter ce projet lors de son premier mandat. “Notre premier devoir collectif est de réduire l’abstention”, a réagi dimanche Elizabeth Bourne face à la participation, selon Le Figaro. Mais le Premier ministre n’a pas précisé quelle serait la “réforme institutionnelle” qu’il avait promise, ni comment il ramènerait les Français aux urnes.