Diverses causes ont depuis longtemps été identifiées pour cette catastrophe démocratique. Il suffit de regarder l’effondrement de la courbe de participation depuis l’instauration d’il y a cinq ans, il y a vingt ans, pour s’assurer qu’avec cette réforme la présidence de notre régime pèse encore plus lourd, ce qui fragilise le scrutin du Parlement. Plus récemment, la crise de la représentation a encore exacerbé la confusion sur la figure du député, dont la position intermédiaire entre ancrage local et rôle national semble de moins en moins comprise.
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Dans l’étude de ces facteurs de long terme, les politologues pourront ajouter à ce phénomène très particulier qui vient de se produire, dans les semaines qui ont suivi la réélection d’Emanuel Macron. Le président, et les leaders de son camp, ont eux-mêmes choisi de s’abstenir… de désaccords, de clarifications, de débats, bref, de jouer un rôle central en tant qu’organisateurs de cette campagne électorale. Peut-être par excès de confiance : jusqu’à présent, les élections législatives ont donné des primes aux vainqueurs de l’élection présidentielle et rien aux perdants. Sans aucun doute, également selon les calculs, la faible participation n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour une formation politique qui peut s’appuyer sur des électeurs plus aisés, plus éduqués, plus âgés, de toutes catégories plus disposés à se déplacer pour voter.
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Cette tactique était dirigée contre ses partisans, battus, dans l’après-midi du premier tour, par la démobilisation de leur camp. C’est un revers indéniable pour Emanuel Macron, dont les scores sont inférieurs à ceux de sa réélection et dont la base électorale est actuellement plus étroite que celle de tous ses prédécesseurs. C’est une victoire provisoire pour la coalition formée autour de Jean-Luc Mélenchon, qui a réussi à créer la dynamique inverse : tirer une dynamique pour cette élection législative de son élimination dès le premier tour de l’élection présidentielle. L’union des partis de gauche autour de lui ne leur fait pas gagner plus de points que l’addition de leurs voix en 2017. Mais leur unité a brisé le verrou de la majorité, leur ouvrant les portes dans près de 400 seconds tours dimanche prochain.
Clarification nécessaire
A l’approche du vote, il est peu probable que l’issue de ces duels offre à M. Mélenchon le poste de Premier ministre qu’il exerce depuis huit semaines. Sa coalition, qui devrait être une opposition forte, menace de limiter la taille de la majorité présidentielle. D’autant que l’avantage de sa position centrale commençait “simultanément” à s’éroder par une résurgence inattendue de l’écart gauche-droite. Attaqué sur sa gauche, le parti présidentiel pourrait être fortement dépendant de sa droite. Dans le cadre de la Coalition d’Ensemble !, si une courte majorité absolue mettait au pouvoir les formations d’Edouard Philippe et de François Bairou. Même contre le groupe que formeront les députés LR, en train de sauver nombre de leurs sièges, si la majorité était juste pertinente.
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Ces mouvements clandestins n’ont cependant pas fait craquer le troisième bloc présidentiel. Avec le record d’abstention, c’est l’autre source d’inquiétude dans cette élection : le Rassemblement national de Marin Le Pen est nettement en avance sur le score de 2017. Malgré sa campagne indifférente, le candidat d’extrême droite ne voit pas, pour la première fois, le formation de chutes lourdes. Et la présence de 208 candidats au second tour impose une clarté qui manquait malheureusement au parti présidentiel dimanche soir, laissant entendre qu’il ne donnerait pas d’instructions pour un vote national contre le RN, contrairement à la position prise par certains de ses adhérents. Lundi matin, il semblait évoluer sans clairement revendiquer le front républicain.
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Chez les partis républicains, la mobilisation contre l’extrême droite ne peut être invoquée selon les circonstances. Le parti de M. Macron ne peut pas demander à être empêché de gagner ou de rester au pouvoir et ensuite de ne pas s’imposer cette exigence, sauf à renier son identité et les valeurs qu’il revendique être les siennes. Dans ce paysage changeant entre les deux tours, cette clarification, et ce rejet clair de tout cynisme électoral, s’impose sans tarder.
Résultats, participation, analyses pour tout comprendre aux élections législatives de 2022
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Le monde
Jérôme Fenoglio (Réalisateur de “Le Monde”)