Si vous avez raté la soirée électorale, retrouvez les principaux enseignements de ce premier tour S’il était confirmé dans les urnes au second tour, ce résultat serait donc moins bon qu’il y a cinq ans, quand le parti LREM remportait à lui seul 313 sièges. Cette fois, pour avoir la majorité absolue, le parti présidentiel doit au moins s’appuyer sur ses alliés, que ce soit le parti Horizons d’Edouard Philippe, l’Agir de Franck Riester ou le MoDem de François Bayrou. Une situation moins confortable qu’au début de la législature 2017, qui tient en partie à la stratégie choisie par le président. “Cela équilibrera le jeu entre le Parlement et l’exécutif, prédit la politologue Virginia Martin. Cela pourrait porter un coup à l’actuelle présidence.” Vérifiez le rythme de la campagne. C’était l’obsession d’Emanuel Macron qui voulait, une fois de plus, rester le maître des horloges de l’agenda politique. Elu le 24 avril, il aura fallu trois semaines au chef de l’Etat pour nommer Elisabeth Borne à Matignon. Le nouveau gouvernement a été officialisé une semaine plus tard. Selon un ancien ministre de l’Agence française, Emanuel Macron souhaitait alors “une campagne courte” pour les législatives. Mais parce que la nature déteste le vide, c’est une autre formation politique – Nupes, la coalition des partis de gauche – qui a pris la lumière du printemps et a donné un “la” à la campagne, observe le politologue Bruno Cautrès. “En se donnant du temps, Emanuel Macron a laissé le champ libre à Jean-Luc Melanson et à la gauche, qui se sont regroupés et ont donné du sens.” Bruno Cautrès, politologue chez franceinfo Profitant de cet élan, la gauche réunie dans les Nupes rêve alors d’un “troisième tour de la présidentielle” officieux et mise donc sur un slogan efficace : “Jean-Luc Mélenchon Premier ministre”. En revanche, la nouvelle hôtesse de Matignon laisse son empreinte sans vraiment plonger en province, puisqu’elle brigue l’élection dans la 6e circonscription du Calvados. Il cumule 45% d’opinions positives, selon un sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche du 28 mai, soit 10 points de moins qu’Edouard Philippe à la même période il y a cinq ans. A l’époque, la nomination d’un Premier ministre membre des Républicains avait surpris et mobilisé une partie de l’électorat de droite en faveur de l’ancienne majorité présidentielle aux législatives. Cette année, le remaniement semi-gouvernemental dans le groupe d’Elizabeth Bourne n’a pas surpris l’opinion publique, ni glané un surplus de voix à droite. Alors que l’élection intéressait peu les Français, la campagne s’est finalement centrée autour de trois cas embarrassants pour la majorité. D’abord, les allégations de viol contre le ministre des Solidarités, Damien Abad. Puis est venue la polémique qui a suivi les épisodes au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. Enfin, la mort à Paris d’un passager dans une voiture après avoir été abattu par la police après que le conducteur eut refusé d’obtempérer. Si, de l’avis des candidats LREM, ces suppositions n’avaient aucune force sur le terrain – “Les gens se fichent d’Abad ou du Stade de France”, a dit un député -, elles ont cependant occupé l’espace médiatique. Dans le même temps, Elizabeth Bourne se fait discrète et Emmanuel Macron est, depuis plusieurs jours maintenant, absent des abonnés. Du 29 avril, date de son déplacement dans les Pyrénées, jusqu’au 30 mai, le chef de l’Etat se concentre sur la formation de sa nouvelle équipe, mais aussi sur ses obligations internationales, où la guerre en Ukraine domine. Un silence qui pousse même certains de ses partisans à maudire : “On aimerait que le président redescende dans l’arène et donne des messages structurants pour cette campagne”, a chuchoté un député à franceinfo. Le chef de l’Etat réapparaît finalement le 31 mai à Cherbourg (Manche), avant de revenir deux jours plus tard à Marseille (Bouches-du-Rhône) pour parler d’éducation, puis en Seine-Saint-Denis et dans le Tarn la semaine prochaine. Une accélération à domicile qui n’est pas sans rappeler sa stratégie lors de la présidentielle. De nouveau sur le terrain, le pensionnaire élyséen accorde alors un long entretien à la presse régionale, dans lequel il dévoile sa nouvelle méthode et annonce la création d’un “Conseil national de réinsertion”. Il vise également directement ses opposants, notamment le chef de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. “Il est rare de gagner une élection à laquelle il n’est pas candidat. Le président choisit la personne qui nomme le Premier ministre en regardant le Parlement. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au président.” Emmanuel Macron dans une interview à la presse régionale Dimanche, avec entre 150 et 190 sièges au Nupes, le spectre de Jean-Luc Mélenchon à Matignon s’éloigne pour Emmanuel Macron. Mais l’objectif reste de rallier les voix de la droite, pour Ensemble ! et ses alliés, afin de sauver la vaste majorité absolue que vise à atteindre la formation du président à Palai-Bourbon. Dimanche après-midi, le chef de l’Etat a mis en garde ses proches à propos du second tour : “Il a appelé tout le monde à faire preuve d’humilité” et s’est dit “déterminé à se concentrer”, a avoué son entourage à France Télévisions. Avec un changement de stratégie en tête ? Il veut, en tout cas, “montrer que nous avons travaillé sur des projets de loi que nous sommes prêts à voter” et “pas seulement viser Jean-luc Mélenchon”.