Posté à 19h00
Celui dont la date avait été qualifiée de « partisane » par certains, marchait alors avec des coquilles d’œufs. Plusieurs observateurs avaient fait part de leur “malaise” de voir cette femme, sans spécialisation en bibliothéconomie, accéder à ce poste de prestige. L’ancienne députée de l’ADQ avait répondu en disant qu’elle voulait être jugée pour ses actes. Moins d’un an après cette nomination, Marie Grégoire a accepté de me parler d’un premier volet de sa vision de ce que devraient être BAnQ et le réseau des bibliothèques. Selon elle, cela nécessite une approche de la soi-disant “société apprenante”, un concept connu en France depuis quelques années et auquel nous devrions accorder plus d’attention. Prônée par des experts du monde de l’éducation, cette idée prône une société où tout est en mesure de permettre aux citoyens, de la petite enfance à la fin de leur vie, d’avoir accès à l’apprentissage. Pour cela, il est nécessaire de connecter des ressources et des lieux qui accompagneront ceux qui veulent apprendre. Il faut aussi accepter d’abandonner le cadre traditionnel de l’éducation et de la formation. Les bibliothèques et les archives peuvent devenir des maillons importants de cette chaîne. C’est ce que Marie Grégoire veut faire avec les institutions qu’elle dirige. L’idée d’une société apprenante m’accompagne depuis longtemps. […] Il est devenu évident qu’avec tout ce que nous avons, nous devons jouer un rôle pour être plus pertinents dans la société québécoise. Nous avons l’obligation de faire une différence dans la vie des Québécois. Marie Grégoire, directrice générale de la Bibliothèque et des Archives nationales de Québec Les Français ont trouvé une définition de ce que devrait être une société apprenante. Marie Grégoire a créé un événement qui permettra au Québec d’avoir sa propre interprétation. Un grand forum se tiendra le 15 juin et réunira de grands noms du monde de l’éducation, de la sociologie, de la petite enfance, des archives et bibliothèques. François Taddei, l’un des chercheurs du rapport Vers une société apprenante présenté au gouvernement français en 2017, interviendra par visioconférence. Quatre observateurs entendront les participants : Frédéric Bouchard, doyen de l’École des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec, Régine Laurent, analyste politique et présidente du Comité spécial sur l’enfance Protection de la jeunesse, et Kim O’Bomsawin, réalisatrice et sociologue. Quant à Pauline Marois et au sociologue Guy Rocher, ils prononceront respectivement les propos d’ouverture et de clôture. Dès son entrée en fonction, Marie Grégoire a lu une enquête sur la réputation de BAnQ. « Notre logo est connu de 9 % des Québécois. Eh bien, c’est toujours un logo. Nous avons également appris que 41 % connaissaient nos services. Nous bénéficions d’une excellente note d’amour de la part des abonnés. Mais qu’en est-il des autres Québécois? » Marie Grégoire souhaite que les collections soient utilisées pour de nouvelles expériences qui feront découvrir de nouveaux métiers qui offriront de nouvelles avenues d’apprentissage. Le documentaire moyen joue un rôle très important dans la vie des gens, mais c’est un peu underground. […] Nous obtenons des documents, nous les conservons, mais la médiation, la démocratisation des savoirs, c’est là que nous voulons donner une impulsion. Marie Grégoire, directrice générale de la Bibliothèque et des Archives nationales de Québec Je lui ai demandé si elle empiétait sur le terrain du ministère de l’Éducation. « Absolument pas », me dit-il. Pour elle, une société apprenante qui atteint ses objectifs est celle qui crée une formidable synergie avec toutes les parties. Plus je l’écoutais, plus je réalisais qu’on avait affaire à des modèles archi-traditionnels basés sur l’obtention de diplômes. Mais l’apprentissage est quelque chose qui n’a pas de fin. On a l’impression de l’oublier en traînant devant la télé à la recherche d’une bonne émission. J’ai autour de moi beaucoup de personnes âgées de 50, 60, 70 ans qui ont une vraie soif d’apprendre. Pour satisfaire cela, ils ont la possibilité de retourner à l’école ou d’assister à des conférences données dans les amphithéâtres le dimanche après-midi. Peut-on enrichir les ressources et les outils qui permettent d’apprendre ? Peut-on être créatif dans ce domaine ? Peut-on éveiller le plaisir d’apprendre ? La société québécoise dont nous rêvons demain se doit de réfléchir à ces questions.